La licorne

Decker était dans son appartement, fatiguée après cette journée d’investigation.

Comme la coutume le voulait, elle se servit un whisky, sans glace, un hors d’âge.

Son salon, sombre, exigu, était encombré, de milles et unes choses dont elle se disait chaque jour: « Je vais m’en débarrasser! Cette fois, c’est la bonne. »

Seuls les néons roses de la pub Watasushi, gigantesque panneau accrochée sur le mur de l’immeuble d’en face, illuminaient faiblement la pièce. Ca, et les occasionnels phares de voiture.

Affalée devant sa petite table ronde et repliable, elle profitait du goût du liquide brûlant. Son esprit se mit à vagabonder. Elle fut bientôt bercée par le léger vrombissement constant de la ventilation.

Des images vinrent la hanté. Son enquête, ses scènes de crimes, ses cadavres, ses yeux vides, ses doutes, ses peurs, ses frustrations. Ses courses poursuites, ses chasses à l’homme, à la machine, ses bruits de détonation, ses violences, ses rêves.

L’intercom buzza. Elle se leva. La licorne était là, sur la table, en papier mâché.

Elle s’avança vers la porte et l’ouvrit.

Elle était face à elle-même.

Réalités

Nous sommes plus que nous ce voyons. Derrière notre réalité bien étroite se dresse une myriade de possibilités, des mondes infinis et différents, complexes, perdus ou inexplorés.

Notre perception est à remettre en cause. Voir plus loin que nos limites, au delà des sphères de notre existence, nous donne des pouvoirs incroyables. C’est presque une drogue que d’explorer ces dimensions alternées, et cette nouvelle perspective agrandie, tordue et se repliant sur elle-même nous fait oublier les problèmes uni-dimensionnels de notre monde matériel.

Que penser du racisme, du sexisme, de l’écologie, quand on projette son esprit dans des plans extérieurs ? Quand on fait la connaissance d’être si différents, si étranges, qu’il est presque impossible d’appréhender et encore moins de comprendre, alors notre dimension d’origine nous permet bien fade.

C’est pour ces raisons que nous ne sommes pas immensément riche : bien que l’argent à flot soit à notre portée, étant donné l’arsenal de sortilèges que nous tissons en puisant les énergies de milliers de dimensions qui vous sont inconnues, nous préférons nous consacrer à l’étude de ces mondes extra-ordinaires plutôt qu’à profiter de plaisirs qui nous apparaissent comme factices.

C’est pour ces raisons que nous ne sommes pas célèbres ou puissants: que serviraient d’avoir le pouvoir et le contrôle sur autrui, alors que nous avons déjà pouvoir et contrôle sur tant de choses, mas dans un périmètre beaucoup plus vaste.

En réalité, j’irais même jusqu’à dire que moi et les autres sorciers sommes intouchables. Nous arrêtons le temps, nous nous rendons dans d’autres dimensions en un claquement de doigts, et nous percevons des dizaines de réalité à la fois – nous sommes presque immortels. Dès lors que pourrions nous craindre?

You think you know how the world works? You think that this material universe is all there is? What is real? What mysteries lie beyond the reach of your senses? At the root of existence, mind and matter meet. Thoughts shape reality. This universe is only one of an infinite number. Worlds without end. Some benevolent and life giving. Others filled with malice and hunger. Dark places where powers older than time lie ravenous… and waiting. Who are you in this vast multiverse, Mr. Strange?

Ancient One, Doctor Strange
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L’épée dans la distance

Il la cherchait depuis longtemps. Il errait dans la Désolation. Cet endroit était lugubre: une grande plaine, parcourue par les vents magiques, dans laquelle rien ne poussait, parsemée de rocs et d’os, témoins d’une histoire révolue. On raconte que ce fut la conséquence d’un sortilège cataclysmique qui aurait mal tourné, ou alors d’une malédiction qui pourrirait la terre, ou bien d’un cimetière de dragons. Personne ne sait vraiment d’où la Désolation venait. Par contre, c’était une terre où les hors-la-loi et les fugitifs allaient se cacher. Une terre aride sans loi. Et c’était là que l’homme était parti chercher l’épée.

Après tout, ce n’était que justice. Son père l’avait forgée. Elle avait appartenu à un chevalier. Puis, à la mort de l’homme d’armes, il fut enterré avec. Mais des pillards l’avaient dérobée dans sa tombe. Et Elkan s’était fait une mission personnelle de la retrouver, car elle était de bonne facture, et c’était la dernière lame qu’avait forgé son père.

Cependant, il ne l’avait pas trouvé dans la Désolation. Il errait depuis des jours, et pire, il était complètement perdu. Il avait acheté une carte à Akura, mais elle s’était révélée trompeuse: les indications qu’il avait eu sur les déplacements des pillards de tombes l’avait conduit derrière une chaîne de collines, loin dans la plaine. Mais il avait perdu le chemin du retour. Il n’avait plus de vivres. Il marchait sur le sol aride.

Soudain, il entendit un bruit fracassant. Elkan se retourna. Il vit une vague de vents violents arriver vers lui. Les vents semblaient constitués d’énergies ensorcelées, de couleurs qui n’existaient pas dans ce monde, qui tournoyaient dans une furie surnaturelle. Et au milieux de la tempête, une épée qu’Elkan connaissait bien était emportée.

Les vents l’engouffrèrent, et l’épée lui transperça la poitrine.

Le conte à rebours

Dix.
Elle courrait dans les couloirs, elle dévalait les escaliers, elle n’avait plus de souffle, mais elle continuait tout de même, sans s’arrêter, car une seule pause et tout serait terminé.
Neuf.
Elle prit l’embranchement au premier étage, puis la porte de secours et se jeta du haut de l’escalier métallique avant d’atterrir dans un fracas douloureux dans l’herbe derrière le bâtiment. Son coeur battait la chamade. Elle entendit un bruit derrière elle, mais elle ne se retourna pas, et s’engouffra dans les bois. La pleine obscurité l’oppressait d’avantage, et elle aurait voulu crier, ou pleurer. Mais la peur avant tout lui glaçait le sang: elle continua, essayant de distancer l’inévitable.
Huit.
Elle marcha, et après quelque pas, elle se prit les pieds dans une racine, et elle tomba dans un buisson. La douleur ne fit qu’ajouter à sa panique, que la déstabiliser encore plus. Mais encore et toujours elle se releva. Elle sentait derrière elle la course de son poursuivant, de ce prédateur qui jamais ne la laisserai s’échapper.
Sept.
Soudain, elle s’immobilisa. Le doute s’insinua en elle. Sa vision se brouilla. Elle revit la scène, encore et encore. Finalement, elle ferma les yeux. Elle soufflait, bruyamment. Et elle l’entendait approcher.
Six.
Elle ne bougeait plus maintenant. Elle venait, encore une fois de prédire l’avenir. Elle savait exactement ce qui allait se passer. Ses veines étaient froides. Des frissons l’envahirent. Du bout de ses lèvres, elle murmura le chiffre qui allait tout changer.
Cinq.
« Quoi ? » L’homme était finalement là. L’arme à la main, il la regardait, un visage haineux. « C’est fini, sorcière. » Il braqua son arme sur elle. « Je vois que tu as arrêté de courir inutilement… alors finissons-en. »
Quatre.
Quelque-chose clochait. Il le sentait. Il ne pouvait pas se résoudre à tirer. Il sentait l’air glacial autour de lui.Trois. »Non… Non. Ce n’est pas possible. Tu fois payer pour ce que tu as fait. Ça ne peut pas se passer comme ça.
Deux.
Elle regarda. Les lames coulait le long de ses joues. Mais de ses mains jaillissaient des énergies mystiques.
Un.
Il hurla dans la nuit. Et la sorcière eut une nouvelle victime sur sa conscience.

L'affiche

Sur une affiche clouée à un arbre non loin d’une construction en ruine, il est écrit:

Attention danger!
Cette tour abandonnée que vous voyez est interdite de toute occupation civile, sous peine d’emprisonnement.
Elle est désormais scellée sous l’ordre du Grand Inquisiteur Aurélius, jusqu’à nouvel ordre. Il est prévu que des officiers religieux parviennent sous la *date rayée*.
L’habitante de cette tour est suspectée de pratiquer de la *rayé*. Tout complice sera pendu.
*Griffonné au bas de l’affiche en lettres de sang: le prochain Inquisiteur qui s’approche, je le transforme en crapaud.*
*signature rayé**caché de cire sur lequel a été dessiné un :)*

Le bal

Elle entra dans la salle de bal. Elle fut immédiatement enchantée. Les décors flamboyants semblaient briller d’autant plus de par l’éclat des danseurs. Ces derniers tournoyaient, vifs et gracieux, au bruit de la musique enchanteresse produite par un orchestre habile, posé en haut du double escalier.

Les murs étaient richement décorés de glaces et de tapisseries, le sol était pavé de marbre d’or, des tableaux et des chandeliers étaient disposés avec goût et remplissaient cet espace de manière harmonieuse.

Les invités du bal ne rompaient pas avec le charme élégant de la salle. Chacun portaient leurs plus beaux atouts, costumes bien taillés et décorés de pierres et broderies, se tenant droits et fiers pour les hommes, robes exquises pleine de dentelle, de broches et de colliers de perles, sourire gracieux pour les femmes.

Bien entendu, comme l’avait demandé le duc, qui possédait la salle de bal, chacun des convives étaient masqués. Masques semi-pleins, ou masque plein décrivant divers émotions attachés avec une ficelle, tous semblaient se fondre dans un mystère incroyable dans lequel personne ne savait vraiment qui était son voisin de droite et de gauche, mais tout le monde savait que son compagnon était de la plus belle compagnie qu’il puisse désirer.

Elle aussi portait un masque. En réalité, elle avait choisi sa tenue avec le plus grand soin: sa magnifique robe verte empirée était bordé de fines perles noires, son col de dentelle transparent laissait apparaître par à-coups sa poitrine, et son masque soulignait avec élégance son visage délicat. Ses cheveux, attachés dans un chignon parfait, étaient ornés d’une broche. Elle aussi portant un masque.

Elle s’avança dans la salle avec assurance, car elle savait que ce soir, elle ne serait pas seule. Un pas après l’autre, ses talons raisonnaient sur le sol de marbre, mais le bruit était couvert par la musique et les invités. Elle parcourut la salle lentement, délicatement, avec soin et non pas de la prudence mais plutôt de la patience délicieusement savourée. Elle était en effet dans les derniers moments qui la séparaient de quelque chose de merveilleux, et comme celui qui attend un cadeau, ou la visite d’un vielle ami, elle savourait ce temps qui précédait.

Elle prit une coupe de vin rouge sur son chemin, esquivant les danseurs qui semblaient s’étendre et se rétracter dans la salle, au fur et à mesure des valses. La lampée étaient délicieuse et glissaient sur sa gorge, avec un goût sucré et précieux qui la contentait parfaitement. Finalement, elle arriva de l’autre côté de la salle, par rapport à où elle était entrée. Et elle le vit.

Il était impérial. Il se tenait, athlétique, droit, masqué bien sûr, mais elle avait su tout de suite que c’était lui. Il portait une queue de cheval brune élégamment attachée, et il se tenait fier, sans arrogance mais avec une distinction et une détermination qui avait un côté ensorcelant. Sa tunique, d’un pourpre extrêmement bien ajusté, arborait des boutons d’ors et des motifs d’or sur les bords. Sa main gauche était posée sur une canne, négligemment, et elle laissait voir des bagues magnifiques, mais sans être trop ostentatoires. L’homme avait autour de lui une aura, de mystère, de confiance en soi, et de subtilité. Peut-être était-ce dû à son masque, d’un blanc nacre, aux traits lisses, comme un dieu de l’antiquité. Quand il la vit, il lui sourit. Il avait compris qu’elle était sienne, qu’elle était celle que lui attendait.

Cela plaisait à la Dame, bien sûr. Car elle savait qu’elle était maintenant très proche du moment. Mais elle ne pouvait cependant pas s’offrir à lui sans efforts. Car c’est quand on désire le plus une chose, que l’on fait tous les efforts du monde pour l’obtenir, que l’on en savoure le goût de la victoire. Alors, elle tourna les talons et s’élança dans les danses, se joignant à une ronde.

L’homme la perdit vite des yeux, au milieu de ces danseurs et de ces couleurs tournoyantes. Ni une, ni deux, il s’élança lui aussi dans la mêlée. Rythmés par une musique déchaînée, la salle fut un vrai chaos – mais distinguée et organisée avec goût. Les partenaires de danses allaient et venaient, parfois il faisaient deux pas en avant, quatre pas en arrière, parfois ils tournaient sur eux-même, parfois ils se tenaient par le coude en ligne et en rythme, parfois en cercle tournoyant, et tout se succédaient, et il s’échangeaient, en l’espace d’un battement de cille.

Mais c’était aussi une chasse. L’homme la poursuivait. En rythme, dans la chanson, il l’entrapercevait à gauche, il changeait de partenaire, puis il était finalement à droite, alors il tournoyait pour s’approcher d’elle. Elle, amusée, laissait apparaître son plus beau sourire, resplendissante, tandis qu’avec une grâce naturelle elle échappait à son assaillant, se faufilant lors des ouvertures entre deux pas, se courbant pour passer en dessous d’un couple presque enlacé, s’échappant en passant par le milieu de la piste au moment où quatre groupe de convives y convergeaient.

Néanmoins, minutes après minutes, l’homme rattrapait son amante, et finalement il l’avait presque à porté de main, quand elle rompit le cercle et alla emprunter une porte dérobée qui menait sous un escalier. Le cœur battant, il la suivi.

Pas un assassin

Alexios sorti de l’ombre. Le capitaine du camp spartiate le regarda avec un sourire narquois. Tout autour de lui, les soldats se mettaient en posture de combat. Prêts à en découdre avec l’intrus.

« Tu penses sincèrement pouvoir t’en sortir, assassin? »

Le grec, qui avait l’habitude de parler franchement, lui répondit:

« Si tu penses que je suis un assassin, tu te trompes. Quand j’attaque depuis l’ombre, c’est juste pour aller plus vite. En réalité, je suis plus que ça: je suis un demi-dieu. De la trempe d’Achille. »

Le capitaine hausse un sourcil devant tant d’arrogance. Il s’apprêtait à donner l’ordre d’attaquer. Alexios était tranquille, debout, la lance dans la main. Il ne semblait pas le moins du monde inquiet – cela rendait le capitaine de plus en plus nerveux.

« Que veux-tu dire par là? Tu n’est qu’un mercenaire sans vergogne. Un charognard. Un misérable pillard. Traqué par tous, comme un chien. »

Le grec haussa les épaules, ne semblant pas le moins du monde affecté par ces insultes.

« J’ai tué des centaines, voir des milliers d’hommes. Je n’ai jamais été défait au combat. Tous les hommes envoyés pour m’arrêter, je les ai ramenés devant Hadès. J’ai escaladé à main nue le mont Parnasse. J’ai sauté des hauteurs les plus vertigineuses. La lance que je possède, cadeau de mon aïeul, me donne des pouvoirs qu’Héraclès ne renierait pas. Tu vois, je te donne des faits. Ce n’est pas pour me vanter. »

_ Tu mens, vipère. J’en ai assez de ces élucubrations. Soldats, arrêtez-le! Et s’il résiste: mettez la bête à mort. »

D’un geste, Alexios agita sa lance, qui s’enflamma. Il semblait nettement plus rapide, plus précis, plus mortel. Dans une danse mortelle, il défit ses adverses, les uns après les autres, semant le carnage sur son passage. Bientôt, il ne restait plus que le capitaine.

« C’est impossible! »

_ Impossible? Connais tu l’histoire de nos héros? Achille, Thésée, Persée… Comment cela peut-il te surprendre encore? Je ne fais que vivre dans l’ère de mon temps, capitaine. »

Alexios transperça le spartiate. Dans les airs, un cri d’aigle se fit entendre.

Un monde plus sûr

Dans un monde interconnecté, il est important de bien choisir ses alliés – les avancées technologiques, notamment dans le monde du machine learning, ont permises aux machines d’apprendre à connaître les hommes – dans des proportions gigantesques.

Les réseaux sociaux, comme Twitter et Facebook, doivent être questionnés et raisonnés.

Chaque post, chaque like, est comme une empreinte sur le sable portant votre pointure, votre nom, votre apparence, vos goûts et vos convictions, inscrit à jamais dans l’internet. Cette empreinte est analysée, catégorisée avec soin, et surtout – jamais oubliée par ceux qui se font une spécialité de les récolter.

C’est comme cela qu’on obtient de la désinformation – les fake news, outil de propagande par ceux gouvernés par la haine et des principes rétrogrades et méprisables – anti-avortement, anti-gays, racistes et xénophobes, pro-guns, et d’autres. Le brexit en est une conséquence directe, notamment par le biais de Cambridge Analytica. Les fondamentalistes, les convaincus que la terre est plate, antivax et autres tarés en est une autre.

Ces services sont peut-être gratuits dans leur utilisation – en réalité, c’est en exploitant et vendant vos données, directement ou indirectement, qu’ils grandissent et contrôlent de plus en plus le monde « libre ». Les corporations peuvent ainsi vendre des campagnes politiques à des publics cibles – influençant de manière souvent illégale et obscure la face du monde connu.

Pire, ces systèmes sont conçus pour vous rendre addict. Les notifications vous forcent toujours à revenir inspecter les sources de nouveauté. Les fils d’actualité sans fin vampirisent votre temps et votre attention. Le contenu que vous voyez est soigneusement trié, utilisant les mêmes principes que les casinos pour être certain que vous reviendrez la prochaine fois.

Réfléchissez-bien… Quand était la dernière fois que Facebook ou Twitter vous a apporté de la joie ? Pour ma part, j’ai réalisé il y a quelques temps que cette époque était lointaine – et depuis j’essaye, au maximum du possible, d’éviter ces réseaux, et de me purger de cette addiction. Pour notre bien à tous, je vous invite à faire de même.

Blocs

Au fur et à mesure que j’explorais ce monde nouveau, j’avais un sentiment étrange. Les vastes pleines, les déserts, les toundras, tout semblait immense, sans fin… Et pourtant, si dense à la fois. En quelques pas, j’étais dans des bois aux arbres immense. En quelques autres, me voilà dans un désert de roc poussiéreux.

Chaque environnement était varié, et sauvage. Pas de traces de civilisation. Parfois, au loin, une structure semblait ressembler à une statue, ou à une tour, mais en me rapprochant, je me rendais compte que c’était la nature de cet endroit qui, par un procédé qui m’était étranger, tendait vers des constructions humaines, les imitait. Un sentiment de malaise crût en moi, j’avais l’impression qu’une machine se cachait derrière ces biomes dissonants.

C’est alors, au détour d’une montagne, que je m’aperçus que je n’étais pas seul ici. En effet, dans la plaine dans laquelle je me trouvait, qui été bordée par une rivière, je vis un trou creusé dans le sol. Le trou n’était pas perpendiculaire à la surface, il était oblique, et s’enfonçait dans les profondeurs de la terre, comme l’entrée d’une grotte souterraine qui surgirait dans la pleine. La régularité géométrique des fondations de cette excavation me laissaient fortement penser qu’elle était artificielle.

Je décidais de m’aventurer dans l’antre, sans trop savoir ce qui m’attendait en bas. Je découvris un escalier de pierre brute, m’entraînant encore plus dans les profondeurs. Tout avait été creusé avec précision, cela eut presque pu être l’œuvre d’une machine: les marches avaient été taillées à très exactement quatre-vingt dix degrés, et toujours régulières. Cependant, bientôt j’eus la confirmation que l’ouvrage était artificiel: je vis des torches éclairer faiblement l’allée souterraine, trop profonde pour que la lumière du dehors ait pu l’illuminer entièrement.

Je descendis encore et toujours, suivant l’escalier qui filait, toujours régulier, dans le même sens. Après une très nombreuse volée de marches, je vis finalement le palier. Je m’arrêtais un instant pour reprendre mon souffle, puis je m’engouffrais dans le couloir qui suivait la fin de ma descente dans l’obscurité.

Je tombais sur une salle gigantesque, fortement éclairée. Face à moi, se tenait une structure colossale. On eut dit une statue, faite de matériaux comme de la pierre lisse peinte, qui formait ce qui ressemblait à un visage. D’au moins cinq mètres de haut pour aisément en faire quatre de large, il était tourné vers moi, forme de pierre immobile, et j’eus l’impression qu’il me scrutait. Détail des plus perturbants: la face avait quatre yeux, et non pas deux, et ils semblaient tous fait d’une matière translucide, comme une sorte de pierre, que je n’avais jamais vu auparavant.

Je m’avançais, essayant d’en apprendre plus sur ce monument, mais je m’arrêtais aussitôt; j’avais entendu un déclic. Glacé sur place, je regardais à mes pieds, obnubilé par le monstre de pierre, j’en avais oublié le sol, qui était dallé de blanc et de noir , ainsi que quatre dalles couleurs – en plus de la plaque de pression sur laquelle je venais d’appuyer. Un instant plus tard, j’entendis un son venant de la statue: je relevais les yeux, et je vis les siens s’ouvrir.

Quand je dis s’ouvrir – c’est ce que j’avais imaginé, mais à observer plus finement, ils ne s’ouvraient pas vraiment: ils se mettaient à briller fortement, tour à tour, chacun d’une couleur différente. Bleu, rouge, vert, et jaune. Je regardais, incrédule, ne comprenant pas à quoi correspondait ce message chromatique.

Je me souvins alors des dalles, et je regardais sur le sol: dans le but de comprendre, j’observais attentivement les quatre dalles de la même couleur. En les examinant plus longuement, je me rendis alors compte que de petites plaques de pression étaient disposées sur chacune d’entre elles. Soudain, un éclair lumineux rouge provint du visage de pierre et m’éblouit: les quatre pierres qui lui servaient d’yeux venaient de luire en même temps, écarlate, ce qui pour moi était un signe évident de colère. Un bruit assourdissant suivit l’éclair, je me retournais: l’escalier d’où je venais était maintenant barré d’une grille de fer qui était surgie du sol.

Mais ce n’était pas le pire: un autre bruit, de roulement cette fois, retint mon attention. Je me rendis compte qu’au centre de la pièce, une colonne de verre surgissait du sol, lentement. A l’intérieur, dans la fragile prison, se trouvait une des choses les plus horribles que j’avais jamais vu.

Une créature, qui autrefois devait avoir été un homme, était à l’intérieur. Ses yeux semblaient morne, vides de toute vie ou volonté, mais luisaient tout de même d’une manière qui m’apparût mauvaise. La peau de la bête était verte, comme pourrissante, décharnée, et elle était parsemée de plaies béantes et pleines de pues. Des vêtements déchirés habillaient le prisonnier de la colonne de verre, et il avait une posture macabre, comme s’il attendait quelque chose. Ce que je croyais être un cadavre difforme s’éveilla alors à ma vue.

La colonne de verre s’ouvrit.