La galette était empoisonnée.

Tout le monde le savait. Mais tout le monde faisait semblant. Les gouverneurs s’étaient réunis, comme à leur habitude, pour choisir celui, qui, parmi eux, deviendrait le Roi, celui qui goûterait à la fève empoisonnée.

Ils commencèrent par saluer l’évènement, levant leur verre et riant très fort, comme ci de rien était. Mais tout était.

C’était une sorte de roulette russe camouflée sous un dîner aristocratique.

Les gouverneurs avaient choisis de célébrer le couronnement par du poison, car c’était ce qui était arrivé au dernier Roi en date. Et au précédent. Et à quelques-uns encore avant lui. La question de ce soir était la suivante: qui tirerait la plus courte paille?

Chacun des gouverneurs avait prit au maximum ses précaution. Magie Vaudou, pour faire tourner leur chance, tonique pour résister au poison, pilule vomitive pour essayer de s’en sortir si jamais le pire devait arriver… Il était bien sûr interdit de ne pas participer à cette petite tradition. Ou de ne pas manger la galette. L’un des gouverneurs avait essayé de se cacher dans les toilettes: on l’avait pendu à l’extérieur.

Pour maximiser l’influence du destin et éviter quelconque favoritisme, on avait prit une fille de l’orphelinat pour distribuer les parts. Elle était d’une famille pauvre, et ses parents étaient morts dans un bombardement lors d’une guerre inter-provinces. Elle avait été envoyée sous la table, un bandeau sur les yeux, et elle devait attribuer les parts à un numéro, chaque gouverneur en avait un, secret, en dessous de son siège.

Bien sur, tous les serviteurs étaient impartiales, le plus possible, et de toute façon les espions des gouverneurs étaient partout pour vérifier que tout se passait selon le protocole établi.

Les parts de la galette étaient distribuées une à une. La fille de l’orphelinat, de sous la table, choisit le numéro trois, et le gouverneur qui portait ce numéro reçu sa part de galette. Sans plus attendre, il attaqua nerveusement la première bouchée, comme c’était la règle. Il mâcha, et avala.

Il sursauta. Puis, il commença à tousser. Il se tortillait sur son siège, la bave commença à lui couler sur les lèvres. Il se pencha en arrière, ses yeux convulsèrent, et il s’affala finalement la tête la première dans la galette. Immédiatement, le personnel qualifié vint s’occuper du pauvre gouverneur. Les autres parurent tous plus détendu. Mais la cérémonie continua, car c’était la procédure.

La jeune fille appela le numéro six. C’était le gouverneur assit à gauche du malheureux qui venait de suffoquer. Celui-ci prit une part de galette… Mais bien vite, il fut secoué de spasmes et s’écroula également.

Certains des autres gouverneurs furent pris de panique. Comment cela était-il possible?! Il n’y avait qu’une seule fève empoisonnée. Pour autant… La tradition, le protocole exigeaient tous deux que la mascarade continue. Les serviteurs étant parti s’occuper de Monsieur Trois, on laissa Monsieur Six tête dans la galette. On fit choisir une un autre numéro pour la prochaine distribution de part… et ce fut le numéro un qui fut sélectionné. Il était lui aussi assit à la gauche du décédé.

Encore, il tomba empoisonné. Puis, celui à ses côtés, le numéro quatre. Le numéro cinq essaya d’y échapper, mais les serviteurs braquèrent leurs armes sur lui: tel était la tradition à laquelle il avait décidé de participer. Il prit une part de galette, et lui aussi décéda empoisonné.

Il ne resta bientôt plus que le gouverneur numéro deux, qui était assis à droite de la première victime, le gouverneur numéro trois. Celui-ci reçut sa part de galette, sans dire mot. Il souleva délicatement la croûte, et confirma qu’il avait bien la fève. Il mangea sa part comme l’exigea la tradition.

Du sang coula de ses lèvres. Il mourut sur son siège, satisfait.

La jeune fille sortit de sa cachette sous la table, l’aiguille empoisonnée à la main. Elle l’avait planté tour à tour dans le pied de chacun des gouverneurs. Ses parents étaient décédés dans une de leur stupide guerre. Elle regarda avec satisfaction le numéro deux, qu’il l’avait aidé à tout manigancer. Lui aussi avait tout perdu, endetté, considéré comme un parasite par ses paires, tous le connaissaient comme sur le déclin. De honte, sa femme s’était suicidé. Son fils avait décidé de partir à l’étranger, abandonnant le gouverneur à son sort.

La jeune fille prit la couronne sur la table, et la plaça sur sa tête.

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